L’emploi des jeunes est la plaie de l’économie algérienne. Le tourisme y pourvoit à la marge. Pour éviter le désœuvrement total. Walid, 23 ans, en vit partiellement à Béni Abbes, oasis d’environ 15 000 habitants à 250 kilomètres au sud ouest de Béchar. Portrait d’un précaire ordinaire qui ne renonce pas.
Walid est gardien et hôte au gîte que tient l’association Ouarourout. Il a 23 ans et habite dans la commune de Béni Abbes. Grande taille, il est aussi reconnaissable à sa casquette américaine toujours vissée sur sa tête et à l’écouteur téléphonique qui dépasse du col de sa veste qu’il ne décolle que rarement de son oreille.
Passionné par la célébration de la fête du Mouloud (el mawlid ennaboui) devenue une spécialité de la région de la Saoura, Walid se prépare des mois à l’avance : « J’ai déjà mes cartouches (à blanc) de fusil, un ami m’en a ramené une partie à un très bon prix, j’en ai plus de 500, les jeunes de la région ne peuvent pas tous se payer des cartouches d’origine, ça coûte cher, 20 dinars, 30 dinars, ça dépend, donc ils en fabriquent avec des bouts de canettes de Coca».
Dans cette petite ville du sud, le travail se fait rare si on ne veut pas être tâcheron dans le bâtiment. Peu de secteurs d’activités. Les jeunes en recherche d’emploi n’ont donc pas beaucoup de ressources, à moins de se faire embaucher dans les petits chantiers de la ville qui s’étend. « On trouve souvent des boulots comme manœuvre », nous dit Walid, « il m’arrive de le faire, mais en ce moment je construis chez nous. Je me contente donc de travailler ici dans le gîte de Ouarourout »
Ce gîte, tenu par la très active association Ouarourout – nom d’une petite oasis de la région –, a été totalement rénové et mis à la disposition des visiteurs. Pour des prix quasi symboliques le visiteur peut profiter d’un cadre agréable et passer la nuit dans des chambres-grottes creusées dans la roche mais avec la connexion Wifi. Il peut, surtout, apprécier l’accueil des gérants et plus particulièrement celui de Walid, l’homme qui s’occupe de tout y compris la préparation du petit-déjeuner : « On a toujours des visiteurs ici, mais l’essentiel des visites se fait pendant le jour de l’An et le Mouloud », explique Walid. Le travail est loin de couvrir l’année. «Quand nous avons des invités, je suis au gîte. J’y passe la nuit aussi. Je touche 500 DA par jour passé au gîte. J’arrive, quand il y a du travail, à gagner jusqu’à 10 000 dinars, sinon je travaille dans la construction, ce n’est pas beaucoup mais j’arrive à aider ma mère et participer à la construction de la maison ».
400 dinars pour une virée à Béchar
Le gîte de l’association Ouarourout fait travailler d’autres jeunes comme Boudjemâa, le guide qui propose aux invités des sorties et excursions et d’autres qui prêtent main forte aux occasions de grande influence. Orphelin de père, Walid vit avec sa mère et ses sœurs, son grand frère marié a dû partir chercher du travail très loin de Béni Abbes. Pour Walid, le mariage n’est pas encore à l’ordre du jour, « ici pour se marier, il faut dépenser au moins l’équivalent d’un sac de semoule, donner 10 000 DA et trois ou quatre moutons. Et, bien entendu, tout le monde est invité !»
Pour le moment Walid passe beaucoup de temps au téléphone, il est d’ailleurs à la recherche d’une puce « millénium », car le téléphone « va finir par l’empêcher de fêter convenablement le mouloud », quant aux sorties, elles se résument principalement à la ville de Béchar : «On y va pour acheter des habits et des CD, on y trouve tout, les instruments de musique aussi, mais on n’y va pas si souvent, un aller-retour par bus nous coûte déjà 400 dinars, plus le déjeuner… ». Du nord, Walid ne connaît que Mostaganem et Oran. Visites uniques. Il projette d’aller jusqu’à Alger cette année : «Un ami d’Alger que j’ai connu ici m’a invité à l’accompagner. Ce sera après le mouloud ».
Source: Maghreb emergent.